Ce
matin j’ai tourné le coin de ma rue. Un soleil froid m’a éblouie. J’ai avancé à
contre jour. A chaque moment je peux rencontrer quelqu’un que je connais. Il
peut y avoir des embrassades, des discussions sur comment ça va, et toi, et
toi, et comment était ton voyage ? Le pont tournant est fermé je dois
monter quelques marches. Sur la plateforme une touriste chinoise admire le
point de vue. J’observe l’eau couler des portes en fer à travers ses yeux et à
travers sa personne je revois Chengdu que j’ai quitté il y a quinze jours.
Un
miroir posé il y a quelques jours par un street artiste est fêlé. Toutes les jolies initiatives dans ce quartier sont amenées a être abîmées. C’est une forme de
violence. Comme l’histoire que m’a racontée mon amie hier : des gens lui
ont volé sa carte bleue dans un café du quartier et ont dépensé 1500 euros en
une nuit. La dégradation banalisée de l’espace commun, le vol et la lutte de
pouvoir entre piétons, cyclistes et conducteurs sont les trois plaies de ma
ville. Je rêve que cela change.
Je
pars acheter du pain. Je touche le manteau gris que j’ai acheté dans un magasin
chic du quartier. Je suis surprise par sa douceur. Je le caresse. Je me
caresse. Je connais chaque magasin de cette rue et parfois leur propriétaire.
Je reviens par le passage des Marais. Ca ne sent pas mauvais cette fois. C’est
beau. Je remarque un chat en vitrine avec un petit mot qui le présente. Pour la
première fois. Je découvre un nouveau pochoir en noir et blanc et nuances de
gris très réussi. La jeune femme paraît avoir des cheveux blancs. Etre belle et
avoir des cheveux blancs. Cela me parle. Bien sûr.
Je
ne sais pas si je retrouverai jamais un tel amour pour un quartier. Les rues
sont coupées à la circulation. Chacun peut s’entendre penser. Je ne ressens
aucune souffrance. Sauf le tracas naissant de ne pas trouver les mots justes
pour exprimer l’intensité de ce que je ressens.
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